
Chaque année, le Téléthon recueille des dizaines de millions d’euros, ce qui en fait une des campagnes de dons les plus suivies et les plus médiatisées. En comparaison, la fondation de l’abbé Pierre reçoit bien peu d’offres de versements. Comment expliquer ce phénomène ?
Si l’on examine en détail le déroulement d’une soirée de Téléthon, on s’aperçoit que le clip pour la fondation de l’abbé Pierre arrive juste avant le Téléthon. On y voit des vagabonds en situation vivant le quotidien morne de la misère, dans des tons noir et blanc peu stimulants. Un tel message suscite peu d’appels de dons, mais il suscite un sentiment de culpabilité, parce qu’on n’a pas le réflexe de se jeter sur son téléphone pour donner. Or, ce sentiment de culpabilité peut susciter dans un second temps la générosité des téléspectateurs, et favoriser les dons en faveur du Téléthon.
Le sentiment de culpabilité engendre un comportement d’altruisme dans un délai de quelques secondes à quelques minutes, ce qui a été mis en évidence dans cette expérience :
Un psychologue, Richard Katzev, a mené des expériences dans un musée. Un expérimentateur déguisé en gardien s’approchait de certains visiteurs qui avaient eu l’imprudence de toucher les œuvres exposées. Il suscitait un sentiment de culpabilité chez eux, en les réprimandant vertement, en leur signalant qu’ils abîmaient des œuvres d’art précieuses, que cela, c’était interdit et qu’ils faisaient quelque chose de répréhensible.
À leur sortie de la pièce, un autre complice laissait tomber devant ces infortunés visiteurs un sac rempli de stylos, de cartes et de pièces de monnaie. On observait alors les réactions des sujets. R. Katzev a constaté que les individus qui s’étaient sentis coupables d’avoir abîmé les œuvres d’art proposaient plus spontanément leur aide à l’infortuné visiteur qui avait laissé tomber ses affaires que les personnes n’ayant pas été réprimandées par le gardien.
Le sentiment de culpabilité éprouvé par ces visiteurs les avait incités inconsciemment à adopter des comportements altruistes, comme pour se faire pardonner ou se racheter.
Cette expérience révèle les effets de la culpabilité sur les comportements généreux et altruistes. Lorsqu’on fait naître un sentiment de culpabilité chez quelqu’un, on augmente la probabilité pour qu’il essaie de se racheter ultérieurement par un acte généreux. Dans la séquence d’images citée plus haut, les téléspectateurs qui ne donnent pas pour la fondation de l’abbé Pierre peuvent se sentir coupables de ne pas avoir fait ce geste, mais l’occasion de se racheter leur est présentée immédiatement après, lorsque s’ouvre la plage horaire du Téléthon.
Conclusion
La culpabilité est un fort moteur d’altruisme. Bien souvent, nous cherchons à effacer par une bonne action le sentiment d’avoir mal agi auparavant. Il ne s’agit pas forcément d’une préoccupation hautement morale. Certains auteurs font l’hypothèse que le sentiment d’avoir mal agi ternit l’image que nous avons de nous-mêmes, et que nous cherchons ensuite la première occasion de restaurer une image avantageuse. L’altruisme serait alors, comme bien souvent, une occasion de « s’acheter une bonne conscience ».
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